Rencontre avec BERNARD BELIN DADIÉ. Récit de Moïse Mougnan

Son resplendissant et accueillant sourire, détend et désamorce l’atmosphère, quand il vous reçoit sans aucune forme de protocole dans son salon. C’est que les deux personnes, qui nous accompagnaient font partie de cet espace qui leur est familier et familial.

Situé à Cocody –(II Plateaux ) dans le quartier des Arts, ou se trouve le siège du BURIDA (Bureau Ivoirien des Droits d’Auteur), de l’INSAAC ( l’institut national supérieur des arts et de l’action culturelle ) et de l’ISTC ( l’Institut des sciences et techniques de la communication), et en face de la station Petro Libye, la maison, plus que discrète et coquette, ne laisse entrevoir aucunement que c’est là que vit celui qui est considéré comme le dernier témoin vivant de la mouvance de la Négritude. Mouvement, dont les figures titulaires étaient incarnées par Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Léon Gontran Damas, mais dont le père spirituel reste l’haïtien Jean-Price Mars.

Plus que privilégiés, nous étions honorés d’être reçu ce jour caniculaire du 11 mars, par un homme que le temps semble amadouer, et qui de son coté semble l’avoir dompté.

Bernard Binlin Dadié, né en 1915 à Assinie Mafia au Sud du pays, dans le département de la Comoé, auteur prolifique d’œuvres monumentales explorant tous les genres littéraires, « père des lettres ivoiriennes » panafricaniste convaincu et convaincant, ne porte pas son âge.

Malgré le poids et les empreintes des saisons, qui se font remarquer dans le gestuel, sa mémoire des faits reste toujours vive et alerte. Une mémoire encyclopédique et didactique, qui est d’une fidélité hors du commun.

Pour notre modeste gouverne, quand il se permet de revisiter l’histoire en général, mais surtout celle de l’Afrique et de son pays en particulier, le charme désarmant de son érudition, se fait chair en nous transportant et téléportant dans un passé plein de turbulence, mais aussi de luminescence

Malgré le poids et les empreintes des saisons, qui se font remarquer dans le gestuel, sa mémoire des faits reste toujours vive et alerte. Une mémoire encyclopédique et didactique, qui est d’une fidélité hors du commun.

Pour notre modeste gouverne, quand il se permet de revisiter l’histoire en général,, mais surtout celle de l’Afrique et de son pays en particulier, le charme désarmant de son érudition, se fait chair en nous transportant et téléportant

 

dans un passé plein de turbulence, mais aussi de luminescence et de magnificence.

L’UNESCO ( l’Organisation des Nations unies pour la science, l’éducation et la culture ) et l’Université nationale mexicaine (UNAM) lui ont décerné en février le premier Prix Jaime Torres Bodet pour l’ensemble de ses œuvres.
Des colloques et séminaires ont été organisés un peu partout en son honneur, dont celui de l’Académie des Sciences, des Arts, Cultures d’Afrique et des Diasporas africaines (ASCAD) en septembre 2016, à la salle de conférences du centre national de l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire, à Cocody. Le thème retenu était « Bernard Dadié : hier, aujourd’hui, demain ».

Après le Palais de la culture d’Abidjan, c’est désormais une rue passant devant le Bureau ivoirien des droits d’auteurs qui porte son nom.
La Côte d’Ivoire, par la voix du ministre ivoirien de la culture et de la francophonie, Maurice Bandaman, avait tenu à souligner l’apport de son illustre centenaire, qui a tant marqué son histoire, dans un témoignage empreint d’une admirable ferveur nationale.

Cela pour rappeler l’incommensurable contribution du doyen dans la construction de son identité littéraire. Celui qui fut de 1977 jusqu’en 1986 le ministre de la Culture et de l’Information dans le gouvernement du président Félix Houphouët Boigny, est aussi un homme dont les choix politiques, ne font pas l’unanimité chez certains de ses compatriotes.

Le pays, revient il est vrai, de loin. De très loin.

Rappelons que Climbié (son pseudonyme, et aussi son livre éponyme) est le fils de Gabriel Dadié, un compagnon de lutte de Houphouët Boigny, le père de l’indépendance du pays. Un pays, qui se veut une « Terre de l’espérance, un pays de l’hospitalité et surtout la patrie de la vraie fraternité » tel que le clame et le proclame son poétique hymne national d’une beauté inégalée…..

Grand Bassam, dont il est originaire, est une région qui a été au cœur d’une farouche révolte anticolonialiste. Son combat, contre l’occupant l’avait mené en prison en 1949. Son livre,  » le Carnet de prison  » sorti en 1981 en fait largement écho.

La révolte de Grand Bassam, fait date dans la mémoire collective des ivoiriens. Signe que le destin ramène souvent en surface des souvenirs douloureux, c’est dans cette station balnéaire très prisée, que les djihadistes en quête du macabre ont décidé de signer leur odieuse entrée en scène. Grand Bassam, fut la première capitale coloniale du pays de 1833 à 1900.

Mon insistance, à vouloir voir absolument le baobab et le séquoia de la littérature africaine, a été facilitée par la femme de son médecin personnel, qui tenait un kiosque, celui des éditions Fraternité Matin au Palais de la Culture à Treichville. C’était dans le cadre du MASA, le plus grand marché des arts et du spectacle africain, qui se tenait à Abidjan du 5 au 12 mars 2016.

Étant à Abidjan pour la deuxième édition de la plus grande rencontre sur le numérique dans le continent, l’African Web Festival en décembre 2015, je n’ai pu le rencontrer. Je ne pouvais rater cette fois-ci un rendez vous avec l’histoire, un rendez-vous avec cet homme qui porte la littérature africaine sur ses épaules. Un homme rabordaille comme le disait si bien Césaire, dont la plume a toujours témoigné pour les siens.

Le doyen qu’il est, savait se mettre à la disposition de ses humbles hôtes que nous sommes avec une humilité et une civilité hors du commun.

Disposé et disponible, il savait accueillir ses visiteurs comme peu savent le faire. Surtout avec ce statut monumental comme le sien. Rien ne laissait apparaître, que nous étions en face d’un pharaon des temps modernes. Que nous étions en face de Bernard Belin Dadié. Que nous étions, Beninga Marboua Marc, Saidi Mamadou Ouadraogo et moi même en face de l’histoire.

Son médecin personnel et sa femme Golli Epse Koffi E. Affoué, qui nous ont facilité la rencontre à travers l’entremise de l’une de ses filles, étaient d’une admirable générosité inestimable. Ils n’ont moindrement hésité à rendre effective, cette affective visite éducative qui semblait impossible à arracher, vu l’état de santé du patriarche.

Le CLAM (le Cercle littéraire africain de Montréal) dont je suis membre, avait voulu aussi lui rendre un hommage en sa présence, mais son état, impose cela va de soi, une certaine tenue et retenue dans son agenda toujours sollicité. Sa fille Nicole, autant que toute la famille avait conscience, que le paternel est un patrimoine vivant de la littérature africaine. Un patrimoine de la littérature universelle, constamment interpellé au détriment de leur propre intimité.